Du Niger au Mali : la transmission des contes de Boubou Hama en bambara

Le cas des Contes et légendes du Niger 

La traduction est une passerelle essentielle permettant de faire découvrir l’œuvre d’un auteur à un public plus large. Si Boubou Hama a été traduit en italien et en polonais, et que plusieurs travaux scientifiques sur son œuvre ont été publiés en anglais, d’autres initiatives, plus discrètes mais tout aussi nobles, ont également vu le jour. Parmi elles, la radio Faso Kanu au Mali a traduit certains textes de Boubou Hama en bambara.

Radio Faso Kanu : un vecteur de transmission culturelle

La radio Faso Kanu émet principalement en bambara, mais aussi en soninké et en peul. Parmi ses programmes phares figure Baramuso Bulon, diffusé chaque soir, du lundi au samedi, de 19h à 20h. La première demi-heure est consacrée à la musique, tandis que la seconde est réservée à la narration. Ce programme littéraire, inauguré en 1996, a permis d’enregistrer sur cassettes audio un grand nombre de prestations narratives.

L’animateur de Baramuso Bulon explique que son inspiration vient de souvenirs d’enfance, où il écoutait des contes racontés par les anciens, mais aussi de son expérience en pédagogie et de son intérêt pour la lecture, la musique et le théâtre. La première demi-heure musicale vise à créer une ambiance propice à l’écoute en famille et à stimuler l’échange autour des récits.

Bakary Tangara : un passeur de culture

Bakary Tangara, instituteur et directeur d’école, est à l’origine de Baramuso Bulon. Formé à Ségou et à Markala Sikasso (1974-1976), il a découvert de nombreux ouvrages à la bibliothèque de Banamba. Elevé par sa grand-mère maternelle, il a été bercé par les contes traditionnels, souvent racontés entre le crépuscule et la tombée de la nuit, une similarité avec Boubou Hama. C’est cette atmosphère qu’il a souhaité recréer à la radio.

Au départ, il visait un public peu ou récemment alphabétisé en langue nationale, principalement composé de femmes et d’enfants. Cependant, le programme a également suscité l’intérêt de personnes lettrées, y compris des fonctionnaires en poste à Banamba. Certains auditeurs ont ensuite lu les ouvrages à la suite des émissions, tandis que d’autres ont estimé mieux comprendre les textes grâce à cette retransmission orale.

Contes et légendes du Niger : une réception enthousiaste

Parmi les ouvrages les plus populaires du programme, trois ont connu un tel succès qu’ils ont été diffusés à deux reprises : Les Mille et une nuitsLe Comte de Monte-Cristo et Contes et légendes du Niger de Boubou Hama. Ce dernier recueil, qui retranscrit des contes songhay en français, a ainsi effectué un fascinant voyage de la transmission orale à l’écrit, avant de retrouver une nouvelle oralité en bambara.

Les auditeurs sont particulièrement sensibles à la dimension morale et aux éléments merveilleux des contes de Boubou Hama. Certains comparent les récits à des œuvres classiques : par exemple, le héros Izé-Gani a été mis en parallèle avec Edmond Dantès de Monte-Cristo.

Tome 6

Le Mali et la valorisation des langues nationales

Depuis son indépendance, le Mali a mis un point d’honneur à promouvoir ses langues nationales en les transcrivant et en les enseignant. Des dictionnaires, grammaires et manuels ont été élaborés, et l’enseignement bilingue a été introduit. La traduction d’ouvrages en langues nationales et leur diffusion radiophonique s’inscrivent dans cette démarche.

L’initiative de Bakary Tangara, en présentant Contes et légendes du Niger à la radio Faso Kanu, illustre donc parfaitement la vitalité de cette politique linguistique. Elle démontre aussi que la littérature nigérienne peut rayonner au-delà de ses frontières, tout en renouant avec l’oralité qui l’a vu naître.