La littérature écrite nigérienne englobe un vaste ensemble d’œuvres en langues nationales, parmi lesquelles les manuscrits anciens occupent une place centrale. Le département des Manuscrits Arabes et Ajami (MARA) est l’un des sept départements qui composent l’Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH) de l’Université Abdou Moumouni de Niamey.
Avec une collection de près de 4 000 œuvres, ce département joue un rôle essentiel dans la conservation, l’étude et la valorisation du patrimoine écrit du Niger. Ces textes, rédigés par des érudits locaux au fil des siècles, se répartissent en deux catégories : les manuscrits en langue et écriture arabes et ceux dits « ajami« , rédigés en langues africaines à l’aide de l’alphabet arabe.
MARA: l’histoire du département
Passionné d’histoire et soucieux de préserver le savoir ancien, Boubou Hama consacra une partie de sa vie à l’acquisition, la traduction et l’étude de manuscrits arabes et islamiques. Il constitua une impressionnante collection de manuscrits qu’il entreposa à l’Assemblée nationale du Niger, où il occupait la fonction de président. Il achetait ces manuscrits à travers tout le pays et en Afrique de l’Ouest, notamment le Ghana et le Nigeria. Lorsqu’il ne pouvait pas se les procurer directement, il engageait des scribes, notamment à Agadez, pour les recopier. Grâce à son engagement, ces précieux trésors patrimoniaux ont pu être acquis, collectés et préservés. Boubou Hama prit , très tôt, conscience de l’importance des manuscrits arabes pour l’écriture de l’histoire du Niger. La colonisation avait tenté d’effacer l’identité du pays, mais ces textes restaient des témoins clés du passé.

En 1974, lors du coup d’état militaire qui renversa le gouvernement en place, l’Assemblée nationale fut alors occupée par des soldats ignorants de la valeur historique des manuscrits. Ne sachant ni lire l’arabe ni les langues locales en caractères arabes, ils entreprirent de détruire une grande partie de la collection, croyant à tort qu’il s’agissait de documents en faveur du régime renversé. Ce n’est qu’après la destruction de nombreux manuscrits que leur valeur historique et culturelle fut reconnue. Les 400 manuscrits restants furent alors transférés à l’IRSH, qui deviendra plus tard l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Ceci marqua la naissance du Département MARA, dont la mission principale fut d’assurer la sauvegarde et l’étude de ces documents précieux.
Grâce aux efforts locaux et au soutien de l’UNESCO et d’autres partenaires, le département MARA a poursuivi l’acquisition et la numérisation des manuscrits régionaux. Aujourd’hui, la collection dépasse les 4 000 pièces.
Une collection riche et variée
Les manuscrits conservés au MARA couvrent une grande diversité de sujets, témoignant de la richesse intellectuelle et spirituelle de la région. Parmi eux, on trouve notamment :
- Des traités historiques sur la période précoloniale (ta’rikh)
- Des ouvrages de théologie musulmane (tawhid)
- Des textes d’astrologie (ilm al-falak)
- Des œuvres de littérature arabe (al-adab al-‘arabi)
- De la poésie en langues africaines et arabe (unshuda diniyya)
- Des traités en sciences occultes (sirr)
- Des dissertations en droit islamique (tahrir fi ‘l-figh)
- Des études sur la mystique musulmane (tasawwuf)
- Des textes de médecine traditionnelle (al-tibb al-mahalli) et de pharmacopée (saydala)
- Des traités politiques (siyasa) et des notices biographiques sur des personnalités politiques et religieuses
Conservation et valorisation du patrimoine
Aujourd’hui, l’ensemble de la collection a été catalogué et publié en huit volumes aux éditions Al-Furqan. Au-delà de la conservation, le département œuvre à faire connaître ces manuscrits au grand public. Ces textes constituent une source précieuse pour comprendre l’histoire du Niger et l’influence des traditions intellectuelles locales sur l’Afrique de l’Ouest. Ils sont à la fois des témoins du passé et des outils pour l’avenir.
En valorisant ce patrimoine, ce département contribue à renforcer l’identité nigérienne et à proposer une alternative aux narrations historiques souvent dominées par des sources extérieures. Le travail amorcé par Boubou Hama reste ainsi une source d’inspiration pour la sauvegarde du savoir en Afrique.
Sources:
Université de Montréal, Conférences » Les archives en Afrique de l’Ouest : un patrimoine en mutation. Saliou Mbaye, 2004.